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Trimardeur
16 mai 2009

Premier voyage

 

Il n’avait peur de rien. Souvent, à son âge, les enfants n’ont peur de rien. Alors que son accompagnatrice tremblait à l’idée que ce machin aux grandes hélices tente de quitter la piste. L’avantage c’est que dopée et concentrée sur sa peur elle ne faisait pas attention à lui, lui laissait faire ce qu’il voulait sans le rabrouer.

Ça et une hôtesse compréhensive lui ont permis de visiter l’avion en détail, cabine de pilotage comprise.

 

L’avion faisait des sauts de puce. A cette époque, il fallait raccourcir autant que possible les parcours et la traversée de l’Atlantique se faisait au lieu le plus étroit de la route. Mais pour lui les étapes dans les iles justifiaient le voyage.

Première escale, dans un de ces merveilleux aéroports au trafic infime, constitués en tout et pour tout d’une baraque ouverte de tous cotés et, celle-là en particulier, près de la mer.

La mer, il a été la voir comme chaque fois qu’il arrivait, le vendredi ou le premier jour des vacances, à « sa » plage. Lui dire bonjour, sentir son odeur, lui faire savoir qu’il était arrivé et que demain, à l’aube, s’il était encore là, il viendrait parler avec les crabes de sable.

 

C’était trop tôt pour une nostalgie. Et il était trop jeune pour mettre un nom sur ce qu’il ressentait. La nostalgie il pouvait déjà la vivre, il ne pouvait pas encore la nommer. S’il avait été plus vieux, il aurait su que c’était une alerte, une première arrivée impromptu de ces images qu’il ne verrait plus et qui pourtant ne le quitteraient jamais.

Sa plage à lui était un coin sauvage où son père avait plantée une tente contre un arbre à même le sable. Quelques mètres plus loin, le « restaurant » était un hangar ouvert sauf la cuisine, fermée par des briques percées. La chaleur tropicale exigeait de la ventilation. Et comme à l’époque c’était un luxe, on faisait en sorte d’avoir des courants d’air.

 

Le paradis allait un peu plus loin, en ayant comme centre la tente et le restaurant. Paradis de sable et d’eau, de cocotiers et plantes grasses sauvages et, surtout, de raisiniers. Il y en avait deux dans son paradis, un de chaque coté du restaurant. Mais le « sien » était celui près de la cuisine, planté sur une petite terrasse. C’était son refuge.

 

Sa plage,  sa boite à billes, ses premiers livres d’aventures, sa collection de photos d’avions, le parc face à la maison et l’ambiance des tropiques, c’était tout son monde, rapetissé au décollage de l’avion et peu à peu disparu pour un temps si long, pour une si longue solitude qu’il ne resterait que la blessure de l’arrachement, même lorsque bien plus tard il reviendrait, lorsqu’il découvrirait les changements qui, pendant son absence l’avaient définitivement transfiguré.

 

©Jorcas

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