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Trimardeur
17 mai 2009

Le figuier sur le muret de pierre

 

Il l’a découvert en explorant le jardin abandonné derrière la maison de la grand-mère, en haut de la côte qui grimpe l’arête de lave. Le figuier avait poussé tellement collé à la haie que ses racines en avaient entouré une partie, donnant l’impression de pousser sur la pierre.

Son père avait vécu là toute sa jeuneuse et sans se le dire, c’est à la recherche de quelque chose de lui qu’il visitait les endroits les plus reculés du village voulant voir de près, sentir l’ambiance de tous les lieux où il apprenait qu’il était passé.

Le figuier sur la haie était une de ces empreintes, tout comme le cellier à l’angle de sa rue et de la route du Sud, où il avait appris à fouler des pieds le raisin. Comme lui la première fois, son père s’y était certainement enterré dans la masse jusqu’à la ceinture!

 

Le village était resté un petit village d’agriculteurs, travaillant sur cette terre ingrate et difficile qu’ils avaient su domestiquer en construisant des terrasses pour soutenir les cultures et en allant chercher l’eau par des artifices jusqu’aux endroits impensables où, rare, elle se cachait.

C’était sa première rencontre consciente avec la difficulté de l’existence. Jusqu’alors, trop jeune et immergé dans un cadre différent, il voyait venir naturellement tout ce dont il avait besoin. Les commentaires sur la difficulté de la vie étaient abstraits pour lui.

Bien sûr on parlait à la maison de l’exil, de la misère d’une guerre perdue après laquelle il avait fallu traverser la moitié du monde dans le plus grand dénuement, mais il était né juste après, une fois que ses parents avaient posé leur balluchon. Par chance, un enfant reconstruit le monde avec les matériaux à sa portée, avec ce qu’il est capable de comprendre. Lui n’avait pas souffert de cette indigence qu’il ne connaissait que par les mots.

Là, au village, même si sa famille n’était pas vraiment pauvre, il avait côtoyé pour la première fois cette réalité. Ces paysans étaient tous solidaires et les problèmes des uns étaient les problèmes de tous.

 

Le village s’étendait jusque la mer dans un climat d’une douceur extrême. La lave s’était refroidie en entrant dans la mer, construisant des criques, des barrières, des véritables aquariums naturels parfaits pour la pêche et la recherche de crabes qu’il affectionnait tant.

Il retrouvait une partie de son cadre de vie initial, reconnaissait la nature, la manière de parler, si proche, la musique, les quelques cousins et amis avec lesquels il s’était vite entendu. Il acceptait se cadre et se sentait adopté par lui.

 

Ces courts mois furent les plus heureux de cette première année de sa nouvelle vie.

A nouveau, c’est un avion qui l’arracherait à ce qu’il aimait, qui l’emporterai vers un inconnu en effaçant une fois de plus ses images, son histoire et se repères.

 

©Jorcas

 

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